Un Risque à Prendre
L’océan allait et venait sur la plage de sable blanc, elle contemplait, presque avec sérénité, le merveilleux spectacle qui s’offrait à elle. Le vent caressait son visage, faisant danser quelques mèches de ses cheveux roux sur son teint porcelaine. Le soleil levant donnait des reflets dorés au bleu cristallin de son regard plein d’espoir, mais aussi empreint d’une détresse d’une rare intensité. Installée dans un fauteuil en bois sur la terrasse de cette maison de bord de mer, elle scrutait l’horizon, dans l’attente, passant une main tendre sur son ventre qui commençait à peine à prendre des courbes maternelles. Elle avait découvert sa nouvelle demeure la veille et sa première nuit s’était déroulée sous le signe de l’anxiété et de l’espoir. La confrontation de ces deux sentiments contradictoires, additionnée à la fragilité due à sa grossesse, faisait naître des larmes silencieuses et permanentes aux coins de ses yeux, elles restaient perchées à ses cils, n’attendant qu’une évolution rapide de son émotion pour rouler sur les lignes de son visage impassible.
Cela faisait trois mois qu’il avait disparut, trois mois qu’elle avait appris simultanément sa disparition et sa grossesse, trois mois qu’elle vivait ce miracle de la vie qu’elle n’osait plus espérer, mais trois mois qu’elle pleurait toutes les larmes de son corps malgré ce miracle, aucune de leurs recherches n’avaient abouti à quelque chose de positif. Mais il y a quelques jours, elle avait reçut une grande enveloppe, portant uniquement son prénom. Dedans elle avait trouvé une adresse, une date, une heure, un billet d’avion accompagné de l’heure du vol, des clefs de voiture et les clefs de cette superbe maison. La seule promesse qui lui inspirait confiance dans ce mystérieux colis était les quatre lettres de son prénom, dessinées dans une écriture qu’elle connaissait par cœur. Elle n’avait pas hésité une seconde, elle avait fait une valise légère, et prit le chemin de l’aéroport à la date prévue. Maintenant elle se trouvait dans cette villa du bord de mer qu’elle ne connaissait pas, et l’heure du rendez-vous donné arrivait, dans une demie journée elle saurait si elle avait bien fait.
Sous le soleil du début d’après midi, petit à petit elle vit se dessiner une silhouette sur la plage. Elle le reconnut immédiatement, sa silhouette à la démarche sûre, ses cheveux indisciplinés, son port de tête fier, c’était bien lui. Elle quitta la terrasse pour le rejoindre sur la plage, elle portait une longue robe blanche, très fluide, qui dansait sous les caprices du vent marin qui parfumait l’air. Les mouvements du tissu cachait les courbes féminines de son corps, et l’arrondit de son ventre étant encore timide, on ne le remarquait pas.
Il était maintenant assez proche pour qu’elle plonge son regard dans le sien, il avait sourit à la vue de la jeune femme, comparable à un ange dans sa tenue immaculée. Une fois face à face, sans un mot ni sans quitter son regard, il prit le visage de Dana entre ses mains et l’embrassa, tendrement, avec gourmandise, il caressait les joues rosées de ses pouces, chassant ainsi les quelques larmes qu’elle avait laissé glisser le long de son visage. Elle enfouit sa tête dans le cou de cet homme qu’elle avait tant pleuré, il la serra contre lui, respirant son parfum qu’il affectionnait tant. C’est dans cette étreinte qu’il sentit le changement du corps de Dana, il se dégagea lentement, pas très sûr de comprendre, il laissa glisser ses mains sur la taille de la jeune femme, plaquant le tissu blanc sur son ventre, laissant ainsi apparaître le léger arrondit maternel. Il leva un regard interrogatif sur le visage, marqué d’un sourire, de l’être aimé tout en posant une main tendre sur ce miracle :
-Dana ?
-Je…l’ai appris le jour de ta disparition… les mots franchissaient difficilement sa gorge nouée par l’émotion… Je suis à trois mois et demi…
-Mais…comment ? Elle laissa échapper un éclat de rire qu’il savoura.
-Comme tout le monde…son regard devint malicieux…j’ai même la date exacte de la conception si tu as des doutes…
-Non, je n’ai aucun doute…il était gêné craignant de blesser la jeune femme…je veux dire, c’est que…tu es stérile…
-Je ne sais pas…je ne me suis pas posé la question tu sais…les larmes lui montaient aux yeux…quand j’ai appris ta disparition, je venais d’apprendre ma grossesse, j’étais terrassée par la perspective de ton absence…elle baissa les yeux, laissant échapper quelques larmes…ce miracle…c’est le notre, je veux que nous le vivions ensemble…elle frissonna, l’émotion et l’attente l’avait fatiguée.
-Viens, on va rentrer et je vais tout t’expliquer !
Il enveloppa Dana de son bras et ils remontèrent la plage jusqu’à la terrasse, puis ils entrèrent dans le salon. Mulder avait aménagé la maison entièrement, essayant de respecter les goûts de Dana. Elle avait remarqué cette attention, et ne comprenait pas réellement la raison de cette demeure. Une fois qu’il l’eut installée dans le salon, il disparut dans le couloir qui menait vers les chambres. Il remarqua, avec amusement et joie, qu’elle avait instinctivement installé ses affaires dans la chambre qu’il avait destinée à accueillir leur idylle. Il revint quelques minutes plus tard et présenta un dossier à la jeune femme. Elle leva les yeux sur lui, s’emparant du dossier tout en encrant son regard interrogateur dans le vert vif des yeux de l’homme qu’elle aimait :
-Qu’est ce que c’est ?
-Ouvre ! Tu verras…je ne sais pas si tu accepteras ce que tu vas y trouver…
Dana ouvrit le dossier avec lenteur, la peur au ventre après ce que venait de dire son partenaire, elle découvrit à l’intérieur plusieurs papiers, deux cartes d’identité, deux passeports, deux permis de conduire, une boîte qui contenait deux alliances, un certificat de mariage, et le papier qui attestaient que Mr et Mme Montgomery étaient propriétaires de la maison sur le front de mer ainsi que de la plage privée qui s’étendait entre la demeure et l’océan. Sur les différents papiers apparaissait soit une photo de Dana, soit une photo de Mulder. Elle prenait les cartes une à une, redessinant les contours des visages sur les photos, lisant attentivement les informations que ces papiers communiquaient. D’après ce qu’elle lisait, elle s’appelait Izobèle Montgomery et lui s’appelait Léo Montgomery. N’osant comprendre ce qu’elle voyait, elle leva un regard emplis de questionnement vers l’homme qui la dévorait des yeux.
-Mulder ? Elle se mordit la lèvre alors qu’une larme perlait au coin de son regard.
-Dana, je n’ai pas disparut… pour me protéger, des hommes haut placés m’ont donné une nouvelle identité, utilisant la même procédure que le programme de protection des témoins. Ici, tout le monde me connait sous le nom de Léo. J’ai réussit à obtenir le droit de te contacter, ce qui explique l’enveloppe qui t’a guidée jusqu’ici. Ils ont préparé une nouvelle identité pour toi. Si tu acceptes les conditions qui impliquent de quitter totalement ton ancienne vie, sans jamais plus donner de nouvelles à qui que se soit, alors si tu veux, une vie nous attend, tu as même un cabinet médical privé à ta disposition pour exercer enfin ton métier comme tu voulais le faire. Je comprendrais que tu refuses tu sais, auquel cas nous nous dirons adieux, et je m’effacerais de ton existence…
Les larmes roulaient sans retenue sur les joues de la jeune femme qui comprenait l’ampleur de la situation et tout ce qu’impliquait une telle décision.
-Je comprendrais que tu repartes dès ce soir, j’ai le billet d’avion qui te permettra…Elle lui coupa la parole…
-Non…ses lèvres tremblaient… mon choix est déjà fait…je vais énormément souffrir, je vais perdre beaucoup, mais je suis sûre de moi, je ne veux pas que tu cherches à me dissuader de cette décision… elle prit une profonde inspiration, essayant de calmer ses sanglots…à partir d’aujourd’hui, tu devras m’appeler Izobèle…un sourire timide se dessina sur ses lèvres…
-Tu…tu es sûre de toi, tu sais que tu ne verras plus personne de ta famille de tes amis, tu ne peux pas les prévenir… Elle se mit à pleurer, il la serra dans ses bras…
-Oui…je sais…je suis sûre…Je t’aime, tu es mon oxygène, et je ne supporterai pas de te perdre une seconde fois, et ce petit miracle, notre miracle, je veux vivre tout ça avec toi !
Il la serra fort contre lui, la couvrit de baisers, couvrit son ventre de baisers, si heureux de savoir qu’il passerait le reste de sa vie avec la femme qu’il aimait inconditionnellement depuis des années, cette femme qui était son âme sœur et qui venait de le choisir pour faire sa vie. Elle attrapa l’écrin des alliances et s’adressa à cet homme qui l’enveloppait de tendresse :
-Je crois que nous pouvons les passer…
-Oui, il va falloir qu’on prenne l’habitude de nos prénoms…
-C’est vital même…un sourire habité par le bonheur vint illuminer le visage de la jeune femme.