Les fanfics de la Gillian Community
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 Only God will judge you

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Polly

Polly


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MessageSujet: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyDim 8 Oct - 5:16

Auteurs : Julia & Polly
Genre : Dramatique
Diclaimers : Malheureusement, malgré plusieurs mois d'écriture, nous n'avons pas fait cela pour l'argent, seulement pour le plaisir d'écrire à deux!


Only God Will Judge You



Mulder tapait enfin à l’ordinateur le rapport qu'il était sensé avoir envoyé à Skinner depuis une heure. De son côté, Scully l'observait discrètement, ayant remarqué au cours de l'après midi qu'il ne semblait pas au mieux de sa forme.
Son front était constamment perlé de sueur et il se massait régulièrement les tempes ou l'espace entre son nez et ses yeux.


"Mulder? Est-ce que ça va?" Questionna-t-elle finalement, n'aimant pas le voir mal en point.

"Moi? Oui pourquoi?" Réplica-t-il en levant les yeux de son clavier.

“Tu devrais t’arrêter.”

Poussant un grognement sourd, il enfouit sa tête entre ses bras. Une atroce migraine le faisait prisonnier d’une douleur assourdissante. Une barre imaginaire mais pourtant bien réelle semblait lui fendre le crâne, l’obligeant à sombrer dans une semi inconscience plus que désagréable.

Le voyant souffrir de la sorte, Scully se leva pour aller s'agenouiller à ses côtés, apposant la main sur son épaule brûlante. La douleur qui semblait s'être emparée de lui était insoutenable aussi bien pour lui, que pour le regard soucieux de la jeune femme.


"Mulder... Tu as de la fièvre..." Se risqua-t-elle, sachant pertinemment qu'elle se heurterait à un mur

Il détestait ce sentiment d’impuissance qui s’était emparé de lui : il supportait avec une aisance singulière la douleur mais aujourd’hui le mal semblait différent. Ce n’était pas une simple migraine, et rien n’arrivait à le soulager. La main fraîche de Scully lui rappela combien il pouvait compter sur elle. Pourtant à ce moment précis, sa seule amie aurait pu être la solitude.

Une tempête se déchaînait dans l'esprit embrumé de Mulder, résonnant en lui des pieds à la tête. Il ne parvenait pas à se concentrer sur le flot d'images qui l'assaillait et s'acharnait encore et encore, jusqu'à ce que la houle se transforme en une mer calme et relativement plate. La souffrance intolérable s'était évaporée et ne laissait en lui qu'une douce impression de flottement.

La jeune femme releva ce brusque changement: le visage crispé de Mulder s’était transformé en un masque de soulagement. Il se délectait de ce moment où son mal était dissipé, sachant que le calme ne serait que passager. Illusion éphémère, une violente douleur lui vrilla la tempe droite. A nouveau son visage exprima une violente souffrance.


"Mulder tu devrais voir un médecin."

"Je... Je vais rentrer chez moi et..."
Commença-t-il en luttant pour ne pas céder aux assauts de ses brûlantes douleurs. "Et me reposer, demain tout ira mieux." Mentit Mulder, en se relevant, enfilant sa veste avec difficulté.

Il venait de mentir, aussi bien à Scully qu'à lui-même, au fond de lui il savait que se voiler la face n'était pas une bonne décision. Il ne ferait qu'aggraver le mal qui s'insinuait en lui sans même crier gare. Jusqu'à décupler des vagues de douleur insoutenables, toujours plus violentes les unes que les autres.

D’une démarche peu assurée, il s’éloigna avec lenteur. Scully suivait cette silhouette familière, pensant à l’état dans lequel il devait être pour accepter de rentrer chez lui. Lorsqu’il pénétra dans l’ascenseur, il lui lança un dernier regard: le bleu azur était remplacé par un bleu profond, interrogateur et inquiet. Afin de la rassurer et de se donner un peu de contenance, il tenta de lui sourire mais rien n’y faisait. Sa seule alliée était la douleur, ne pouvant lui résister il était obligé de collaborer avec elle.

Douce ironie de la vie: son calvaire n’était pas fini. Il ne pouvait rouler dans cet état, alors avec le peu de force dont il semblait être encore animé, il chercha un taxi.

Scully lâcha un long soupir dès que Mulder avait disparu derrière ces lourdes portes d'aluminium. Son reflet la frappa en plein visage, elle y lut toute la préoccupation qui l'avait envahie à la vision cinglante de son collègue affaibli. Lorsqu'il souffrait, c'était comme si un morceau d'elle lui était arraché, la douleur n'en était pas moins assommante, elle anesthésiait littéralement son cœur. Secouant la tête, emprunte au dépit, elle retrouva sa place et fit semblant de se remettre au travail. Pourtant, la concentration n'y était plus, tout son être ne pensait qu'à lui, à ce corps fragile, loin d'elle et loin de tout à en juger par son ultime regard.

***

L’appartement de Mulder était plongé dans un noir digne des ténèbres. Son corps fatigué gisait sur le canapé. Le reflet bleuté de l’aquarium semblait apaiser sa douleur persistante. Il n’avait plus bougé depuis qu’il était rentré, savourant cet instant de calme, annonciateur de la prochaine vague déferlante de migraines. Au plus profond de lui même, il savait que ce mal n’était pas bénin, son instinct le poussait à paniquer, pensant au pire. Se ressaisissant, il tendit l’oreille. Avait-il bien attendu? Un autre coup à la porte, léger et discret. Scully. Il avait souhaité qu’elle vienne, même s’il savait que sa compagnie serait le signe de remontrance ou de reproche puisqu’il n’était pas allé consulter un quelconque médecin. Lorsqu’il prononça un faible « entre », son cœur se mit à battre avec une certaine frénésie: un sachet à la main, un timide sourire aux lèvres, elle était là. Devant lui. Pour lui.
Dans sa vision troublée par ce mouvement incessant de l’image, Mulder la vit s’accroupir devant lui, une main caressant délicieusement son front. Il voulut de nouveau sourire mais sa tentative se réduisit à un faible rictus traduisant davantage encore l’étendue de son mal être.


« Oh Mulder… Je me doutais que tu n’aurais rien fait pour arranger les choses. » Murmura-t-elle pour ne pas intensifier sa migraine.

Il lui fut d’ailleurs redevable pour cette attention dont seul un médecin aguerri et une amie aussi précieuse pourrait faire preuve. Scully savait si bien comment agir avec lui, comme si tout coulait de source, un lien immuable et indéfectible qui se tressait à mesure que leur partenariat avançait.


« Je t’ai donc apporté de l’aspirine. Je reviens, je vais te chercher un verre d’eau, n’essaie pas de bouger. » Lui conseilla-t-elle avant de s’éclipser silencieusement.

En quelques secondes, elle était de nouveau auprès de lui et l’aidait à redresser la tête pour avaler deux cachets. Il était déjà exténué par ces simples efforts, Scully abandonna donc l’idée de le faire rejoindre son lit pourtant bien plus réparateur que ce vieux sofa abîmé par le temps.

Elle ne pouvait se résoudre à l’abandonner dans sa prison de douleur : les murs transparents qui entouraient le corps fragile de Mulder se brisaient peu à peu sous les doigts de Scully qui suivaient une ligne imaginaire le long de son visage. Ses yeux se perdaient quelque part dans le mirage du regard noisette de son partenaire : cerclés d’or ses yeux étaient de purs joyaux qu’elle refusait de quitter, ne serait ce qu’une seconde. Détresse de l’un, secours de l’autre. Les rôles s’inversaient à un rythme fou, le protecteur devenant le protégé, l’inquiet devenant l’objet de l’angoisse, le fort devenant le faible. Cette main si fraîche qui parcourait son front valait tous les discours du monde. Remerciée par un regard de soulagement, Scully resta agenouillée au pied du canapé. Perdre une nuit à ses côtés? Le sommeil n’était rien face à ce qui les unissait : dormir était le repos des justes, l’insomnie elle était la punition de ceux qui souffrent.

Alors quand les paupières de Mulder s’alourdirent imperceptiblement, ce ne fut que pour sentir les bras sécurisant de Scully l’encercler. Bientôt, leurs corps se rejoignirent dans une union aussi comparable à l’osmose de leurs âmes en peine, toute frontière ignorée, l’un se perdant dans limbes de son parfait opposé. Les respirations s’accordèrent dans une douce mélodie, celle de Scully, harmonieusement régulière, lisait la partition pour guider celle, plus fragilisée, de Mulder. Leurs doigts s’entremêlèrent, et ce ne fut qu’à ce moment précis que de nouveau, la houle qui malmenait l’esprit de Mulder telle un navire à la dérive, s’atténua quelque peu. Les vagues submergeantes laissèrent ainsi la place à un repos aérien, à la fois trouble et cotonneux.

Le corps de Mulder commença alors une lente immersion vers le royaume des songes. Le calme apparent cherchait à tromper la sérénité de ce dernier. Les rêves s’enchaînaient les uns après les autres, le plongeant dans une course folle vers la douceur de la folie nocturne et inconsciente. Ne cessant de sonder le visage de son partenaire, Scully sentait les muscles de son corps se relâcher peu à peu : Mulder semblait s’apaiser, trouvant le repos qu’il méritait tant. Alors une fine poussière d’étoile se posa en douceur sur les yeux de Scully: il ne servait à rien d’engager une lutte contre le sommeil qui l’attirait au fur et à mesure dans les profondeurs abyssales de son esprit, le combat était de toute manière perdu d’avance. Les deux corps furent submergés par l’enivrante magie du repos salvateur.

Scully courait le long de ce couloir sans fin. Ses mains glissaient contre les parois gelées des murs qui l’entouraient. Labyrinthe? Piège fatal? Elle hurlait à s’en briser la voix, ses poumons réclamaient de l’air inexistant, son cœur implorait la délivrance de son âme tourmentée.

Tout d’un coup, ses pieds heurtèrent un corps inerte. Perdant l’équilibre, elle tomba auprès du cadavre. Tâtant ce corps sans vie, elle sut de suite à qui il appartenait.

Son cri de surprise déchira la nuit : quel abominable cauchemar s’était emparé d’elle. Comment pouvait-elle imaginer une seule seconde une chose aussi horrifiante?

Ses yeux s’ouvrirent à la douce pénombre, manteau de nuit qui dévoilait peu à peu les entrelacs de rayons lumineux offerts par un soleil émergeant. L’aube naissante permettait d’entrevoir les formes et surtout le visage immobile de Mulder à ses côtés. Un frisson désagréable parcourut la colonne vertébrale de Scully en réalisant que la chaleur n’émanait plus de lui comme la veille. Au contraire, une tiédeur oppressante se dégageait de lui tel un halo sur le point de s’éteindre. Ses mains rallièrent instinctivement ses joues creusées par le mal qui régnait en maître à l’intérieur de lui. La crainte monta en elle et dévasta tout sur son passage : il ne réagissait plus. Sa température avait vertigineusement diminué et sa respiration ne s’en trouvait qu’indétectable.

Sa main glissa sur sa poitrine : le battement de son cœur ne semblait plus qu’être un faible écho essoufflé. Soulevant ses paupières, elle vit que ses yeux n’avaient aucune réaction. Sa bouche entrouverte laissait échapper un peu de salive : il ne contrôlait plus rien. Elle le secoua une première fois avec douceur, ne se laissant pas emporter par la panique. Mais la léthargie de Mulder la frappa en plein cœur : il s’était passé quelque chose de grave. Les secours furent appelés et Mulder fut transporté à l’hôpital le plus proche. Alors qu’il était emmené dans une salle d’examen, le chemin fut barré pour Scully. Elle eu beau crier, tempêter contre ses médecins et infirmières, sa carte du FBI ou ses connaissances ne furent pas son laisser passer pour être aux côtés de Mulder. Plus les minutes filaient, plus son pouls s’intensifiait : combien de temps Mulder était-il resté dans cet état? Elle savait qu’il présentait les signes d’une attaque mais elle n’aurait pu définir la nature de celle-ci.
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyLun 9 Oct - 0:52

Une seule question lui revenait sans cesse : pourquoi avoir cédé à l’appel du sommeil ? Pourquoi ne s’était-elle pas rendue compte qu’à côté d’elle, Mulder s’accrochait à la vie comme à un fil qui se désintégrait sous ses doigts hésitants ? Non, elle avait préféré la solution de facilité, ignorer l’évidence, la fuir, chercher le confort pour en oublier qu’auprès d’elle, il avait appelé, hurlé pour obtenir son secours. Rien, elle n’avait rien vu, rien fait… Ou plutôt si, elle l’avait vu se contorsionner de douleur et malgré cela, elle n’avait pas comprit le sens de ce message qui lui était uniquement destiné.

Faisant les cent pas, Scully s’obstinait à rester debout, à endurer une pénitence qu’elle s’infligerait elle-même pour sa mégarde. Son erreur était impardonnable, inqualifiable et tellement lourde de conséquences. Si elle avait saisi avant, si elle l’avait forcé à consulter, si elle l’avait emmené elle-même à l’hôpital… Si seulement… Toutes ces conjectures firent naître des larmes dans les yeux de Scully mais elle les réprima, non, elle n’avait pas le droit de pleurer. Si elle lui avait été un tant soit peu utile, elle aurait pu s’attarder sur son propre sort mais elle ne méritait plus ce geste de faiblesse… Elle l’avait ignoré, elle avait osé dormir, penser à elle au lieu de penser à lui, à sa santé… Sa vie.

Ainsi les heures passèrent inlassablement. Seule dans la salle d’attente, Scully cherchait des réponses à ces incessantes questions qui l’envahissaient. Alors qu’elle partait à nouveau à la recherche de nouvelles, le médecin qui s’était occupé de Mulder entra. Son visage grave et fermé refroidit Scully: combien de fois avait-elle vu ce visage annonciateur de malheur? Il parla. Il lui expliqua la situation. Ses paroles se déversaient en flots mais rien ne semblait atteindre la jeune femme. Ses yeux essayaient de se raccrocher à un point fixe, les larmes firent leur apparition : cette déchéance, ne pouvait être celle de Mulder. Des mots, plus forts que d’autres restèrent gravés : inconscient, coma artificiel, handicap, gêne respiratoire…

Parlait-on réellement de son ami? Parlait-on d'un homme? Quelle abominable souffrance un corps pouvait-il endurer face aux retournements de situations?

Ce fut tel un automate, incapable de la moindre réaction, que Scully se força à suivre le médecin jusqu’à la chambre de Mulder. Son souffle s’arrêta net quand elle l’aperçut, sa poitrine ne se soulevant que par l’action de la machine qui le maintenait encore en vie. Il avait été intubé et le masque lui recouvrait le visage, elle dût s’approcher pour mieux le voir. De nouveau, les larmes tracèrent imperturbablement leur chemin sur les joues délicates de la jeune femme. Ses jambes flanchèrent et elle fut reconnaissante à la personne qui avait eu la présence d’esprit de mettre une chaise près du lit. Elle ne pu résister à l’envie de retrouver le contact de leur peau, ses doigts s’entrelacèrent aux siens sans même avoir besoin de baisser les yeux pour les trouver.


« Vous devez savoir de par vos connaissances médicales qu’un tel accident cérébral est tout à fait aléatoire. La situation de la rupture d’anévrisme étant plus que périlleuse, les séquelles n’en sont que moins prévisibles. Il nous est impossible de savoir quand il se réveillera, ou s’il se réveillera un jour. Et si tel était le cas, les conséquences sur son système musculaire pourraient aller d’une simple gêne dans le bras, jusqu’à la paralysie totale et irréversible. »

Irréversible. Le mot résonna comme un écho et sembla se fondre dans les moindres recoins de l’esprit de Scully. L’homme couché devant elle, simplement retenu en vie grâce à un respirateur artificiel, risquait de mourir. Une angoisse profonde s’empara de la jeune femme lorsqu’elle imagina, l’espace d’un instant, ce que serait sa vie sans Mulder. Pouvait elle concevoir un avenir sans ce Pygmalion? Sans cet être qui la poussait à se dépasser jour après jour? Refusant cette fatalité morbide, ce cadeau empoisonné de la vie, elle serra avec plus de force la main inerte de Mulder.

« C’est un homme fort. Il se battra. »

Sa voix pleine de conviction toucha le médecin: combien de fois avait il vu des femmes aussi fortes espérer en vain? Il l’observa un instant, le regard rivé sur ce corps sans vie, l’espoir écartelé entre l’envie de céder à une tristesse qui s’insinuait irrémédiablement et le désir indestructible de rester de marbre face à cette terrible attaque du destin. Il avait assisté à tant de déchéance, à tant de cœurs peu à peu déchirés, broyés par l’annonce fatale de l’être cher qui ne leur reviendra pas, ou alors, complètement étranger à la personne qu’ils avaient été. Jamais il ne pourrait se faire à l’injustice et à la dureté de la vie, bien qu’il tente de se détacher de ses patients en difficulté ou de leurs familles désemparées, il vivait chaque scène comme un coup de poignard dans son dos déjà bien abîmé au cours de sa longue carrière. Sans mot dire, il quitta comme toujours la pièce, abandonnant cette femme à un avenir sombre et tourmenté, préférant la laisser seule face à son malheureux combat.

Une main posée sur ce torse qui ne se relevait que par obligation, Scully marmonnait des mots sans significations. Son monde avait arrêté de tourné, se centrant juste sur le corps de Mulder. Était-ce son cœur qui battait à une vitesse folle ou était-ce le contraste avec celui qu’elle couvait du regard? Telle une prière en un sanctuaire pillé, elle demandait une bénédiction qui ne pourrait jamais arriver. Suppliant un Dieu qui ne se montrait pas, elle cherchait ses douces incantations qu’elle avait pu lire étant jeune. Étrangeté de la vie, en ce moment si douloureux, son seul réflexe était de penser à la Bible. Pouvait-elle encore croire une force imaginaire alors que celui qui animait de joie les heures de sa vie était en train de s’éteindre à tout jamais? Où était-il le sauveur des âmes? Le sauveur des justes? Qu’avait-elle fait pour que la souffrance s’abatte autour d’elle? Soudainement, ses poings se crispèrent : un accès de colère inimaginable s’emparait d’elle.

Un poids reposait sur sa poitrine, une haine incontrôlable la secouait. Quelles meurtrissures pourrait-elle s’affliger pour oublier ne serait-ce que quelques minutes cette image de Mulder? Elle repensa à son souffle se mêlant au sien en de rares occasions, sa peau contre la sienne, son sourire qui lui était exclusivement réservé, ses clins d’œil complices… Des dizaines, des centaines de souvenirs lui revenaient en mémoire, comme pour souligner la souffrance que cette situation lui apportait. Ces doux moments qui l’avaient faite se sentir vivante, appréciée, respectée et protégée… Désormais, ils donnaient la nausée, la brisaient, se retournaient contre elle comme une gifle la menaçant de son impact imminent et inéluctable. Le bruit cinglant n’était représenté que par les sanglots irrépressibles que laissait échapper Scully, traumatisée par le bouleversement mutuel de leur vie. Sentence suspendue au dessus de leurs têtes, couperets affilés glissant peu à peu jusqu’à ôter tout ce qui faisait d’eux des êtres de chair et de sang. Les paupières closes et doigts blancs d’avoir serré si fort, Scully s’effondra sur la poitrine de Mulder.

Les larmes ruisselaient de son visage de porcelaine pour tomber à tout jamais sur ce torse sans vie. Pourquoi restait-elle ici à observer cet homme qui ne pourrait plus jamais lui sourire? Un violent sentiment de révulsion l’obligea à se lever, à s’éloigner de ce qui semblait ne plus représenter qu’un cadavre pour elle. Mulder. Elle avait passé ces dernières années à le suivre, à le protéger et à s’inquiéter pour lui : aujourd’hui sa seule angoisse était de savoir s’il souffrait là où il était. Prisonnier de deux mondes, ni mort, ni vivant, il n’était plus qu’une âme embarquée pour un long voyage à travers les méandres d’un fleuve éternel. Pouvait-elle s’accorder un seul espoir quant à une rémission de Mulder? Son avis de médecin lui disait que non, son instinct de femme pourtant voulait croire au miracle.


***


Lorsqu’elle pénétra dans son appartement, un sentiment bizarre commença à l’envahir. Un mélange de peur, d’effroi mais aussi de mélancolie. Une fatigue étonnante la poussa à s’allonger sur son lit. Alors qu’elle avait perdu toute notion du temps et de la vie, elle s’endormit.

Ainsi les jours passèrent, semblables les uns aux autres, ni singuliers, ni particuliers. Scully effectuait sans cesse des allers retour entre son bureau et l’hôpital dans un but qu’elle même ne savait définir. Elle était surmenée et tout en elle criait à l’abandon. Ses yeux bleus si vivants étaient désormais soulignés de cernes noires témoignant de ses insomnies devenues quotidiennes.

C’était à peine si elle tenait encore debout, uniquement motivée par une lueur intérieure qui menait le combat à sa place, traversant les Enfers pour rejoindre l’autre rive. La faim n’avait plus aucun effet sur elle, si ce n’était de creuser ses joues autrefois si charmantes et d’affaiblir son corps meurtri. Toute énergie était drainée de ses muscles afin de la faire continuer sa lutte et veiller l’homme qui illuminait ses jours par le passé. Toute vigueur avait disparu, lui ôtant l’eau salée de ses larmes et asséchant ses yeux encore plus que la tristesse et le désespoir qui l’accablaient.

Elle ne vivait plus que dans l’attente de voir les paupières désespérément closes de Mulder s’ouvrir et lui offrir ce regard magnifique qu’il l’animait auparavant. Son vœu si cher s’exaucerait-il un jour ? Le doute s’immisçait en elle telle une maladie incurable, rejoignant chaque cellule de son être, contaminant chaque petit instant ou étincelle où elle croyait, qu’enfin, ses prières recevaient leur réponse. En vain…

Quelle était cette femme si menue, qui avançait seule dans les couloirs sombres du sous sol? La tête basse, les épaules voûtées, le pas traînant et lent. Se pouvait-il être cette même femme qui marchait auparavant le regard haut et fier, se tenant de ce port altier si enviable, de sa démarche si féminine et si gracieuse?

L’adjoint Skinner se posait ces diverses questions alors qu’il suivait la jeune femme dans le bureau des affaires non classées: sans Mulder pour sauver les affaires non classées, leur directeur avait décidé de suspendre les activités de cette section ajoutant d’un sourire narquois qu’il compatissait à la tristesse de Scully.

Restant près de l’entrée, Skinner attendait qu’elle récupère certaines de ses affaires. Tous les gestes qu’elle effectuait semblaient être des efforts surhumains. Les mains de Scully effleurèrent le bureau avec délicatesse, ses doigts si fins et si délicats s’attardèrent sur le poster accroché au mur.

La pièce elle-même semblait avoir perdu une partie de ce qui faisait son charme : sinistre était son nouvel état. Tout comme Scully. Son visage fermé tentait d’exprimer une froide désinvolture, mais seul son chagrin imposait sa puissance maligne à quiconque regardait la frêle agent.

Ses yeux mêmes semblaient reflétaient une souffrance que personne ne pouvait comprendre : le bleu si atypique, mélange de turquoise et de teintes dérivées de cette couleur étaient désormais gris. Un gris froid, impénétrable, insondable. Lorsqu’elle parlait, ce n’était que par obligation : sa voix rauque trahissait sa peine et son désespoir.

Seule parmi le monde, alors que Mulder était encore vivant, accroché entre la vie et la mort, suspendu au dessus de ce gouffre où lui seul pouvait refuser de tomber. L’espoir l’avait quitté depuis longtemps. La vie semblait l’avoir fauché, encore une fois.
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyVen 13 Oct - 23:12

Ce ne fut qu’à la fin d’une longue et interminable semaine que Scully obtint enfin le verdict tant redouté, l’annonce tant espérée pour laquelle elle priait nuit et jour. Gisant là, dans la pénombre de sa chambre sans vie, recroquevillée sous les couvertures afin de se donner l’illusion d’une sécurité retrouvée, elle fut tirée de sa torpeur par une sonnerie stridente.

« Allo… » Fit-elle d’une voix masquant sa fatigue pourtant évidente.

« Dr Dana Scully ? » Répliqua son interlocutrice.

« Oui, c’est bien moi. »

« Ici l’hôpital St Catherine, je m’occupe du patient Fox Mulder. On m’a dit que vous étiez la personne à contacter à son réveil. »
Lui annonça l’infirmière avec une neutralité déconcertante.

« Rév… Réveillé ? » Répéta Scully, comme pour permettre aux mots de prendre tout leur sens.

« Oui, il y a à peine une heure. Il n’a pas encore parlé mais on m’a dit que vous aviez demandé à être prévenue. » Expliqua la femme avec bienveillance.

« Oui… Merci, je viens tout de suite. »

Reposant le combiné à sa place, Scully se passa une main sur le visage. Etait-elle réellement éveillée ? N’était-ce pas encore l’un de ces trop nombreux rêves où l’on lui apprenait enfin l’inespérée nouvelle ?

S’asseyant au bord de son lit, elle dû y mettre toutes ses forces pour enfin trouver le courage de se relever. Le peu de nourriture qu’elle ingérait chaque jour se faisait trop insuffisant pour la maintenir en bonne santé. Enfilant ses vêtements de la veille à la hâte, elle s’éclipsa de l’appartement, la porte fermée à clé mais le cœur grand ouvert. Son esprit retrouverait-il enfin le repos ? Mulder était-il sorti d’affaire ou d’autres nuages viendraient-ils obscurcir leur ciel déjà maussade ?


***


S’était-il écoulé des heures entre son départ de l’appartement et son arrivée à l’hôpital? Les minutes et les secondes se fondaient dans son angoisse et le tic tac incessant de l’horloge de l’entrée du complexe hospitalier rythma ses pas et les battements désordonnés de son cœur.

Aveuglée par les larmes de joie ou de peur, elle avançait inexorablement vers ce qui serait son destin. A cette heure avancée de la nuit, seules quelques infirmières de garde déambulaient dans les couloirs aseptisés : la bien trop familière odeur vint l’assaillir et la déstabiliser. Faisait-elle pitié aux femmes qui passaient à côté d’elle?

Leurs regards étaient de compassion, de compréhension, de moquerie ou tout simplement leur métier avait-il blasé ces infirmières qui ne pouvaient plus s’émouvoir de la détresse humaine? Scully ne pouvait plus réfléchir, ses membres la portaient là où son cerveau avait donné l’ordre même si elle aurait préféré fuir cet endroit et ne jamais découvrir la réelle vérité, la blessante et crue vérité à laquelle elle ne pouvait échapper. Son cœur cognait avec force contre sa poitrine fragile, se soulevant toujours plus rapidement. Enfin elle arriva devant l‘endroit si fréquenté les dernières semaines: une douce lumière filtrait de la porte entrebâillée et une singulière harmonie ente la nuit noire et ce rayon artificiel semblait s’être créée.

Marquant un temps d’arrêt pour calmer son esprit si tourmenté, elle ferma les yeux et s’obligea à penser à une image sereine de Mulder et elle. Pourquoi en cet instant? Elle avait besoin une dernière fois de le voir tel qu’elle avait connu afin de se préparer à toutes les éventualités.

Alors qu’elle entrait, son cœur perdit en un instant son rythme effréné, voulant lui aussi ralentir et s’accorder au diapason du calme qui régnait dans la chambre. Il était là. Prostré dans un coin du lit. Le regard vide. Mais vivant.

Sa respiration s’emballa soudainement, la laissant haletante, le corps tremblant et les mains moites. Avec une lenteur à peine perceptible, elle rejoignit le lit, son regard fixé sur celui qui lui rendait la vie supportable. La main trouva la sienne qui reposait sur la couverture, chaude, rassurante, mouvante et réactive, tant de sensations peu à peu oubliées ces derniers temps. Scully voulut sourire mais ses larmes noyaient ses yeux et sa peau, ses lèvres refusaient de se desserrer au risque de craquer totalement devant lui.


« Hey… » Murmura-t-elle, hésitante, comme si elle lui parlait pour la première fois et espérait capter toute son attention en pensant qu’elle ne la méritait pas.

« Scu… leeh… » Soupira-t-il, la voix déformée par des mâchoires qui n’avaient pas servi pendant une si longue période.

A cet instant, il plongea les yeux dans les siens, et toute sa détresse, mêlée à un espoir sans fin frappa Scully en plein visage, telle une gifle imméritée. Pourtant, elle tint bon, dressée sur ses deux jambes, elle ne céda pas à l’envie de tomber à genoux et à se fondre en excuses. D’un doigt, elle parcourut le front de son ami, caressant ses cheveux si doux, se baignant dans la sensation irremplaçable d’un bonheur retrouvé.


« Dors, repose-toi, je suis là. » Dit-elle enfin, songeant déjà qu’elle devrait rencontrer son médecin dès le lendemain matin.

Les paupières de Mulder papillonnèrent un instant, comme s’il cherchait quelque chose du regard, comme s’il souhait communiqué mais que l’énergie lui faisait défaut. Finalement, il s’apaisa et sa respiration régulière indiqua à Scully que les songes l’avaient rappelé dans leur royaume bienfaisant.

Derrière elle, sa chaise habituelle l’attendait alors elle s’y assit, sans se défaire de l’étreinte de leurs doigts entrelacés. Mulder semblait drainé de toutes ses forces mais il était là, et il avait prononcé son nom. Cela suffit à Scully pour retrouver le sommeil l’espace de quelques heures, cambrée sur une chaise inconfortable mais avec l’envie de croire de nouveau.


***


Un sentiment de peur s’empara d’elle. La température avait baissé pendant la nuit, et ce sont les grelottements incessants de Mulder et les siens qui la sortirent de son sommeil agité et peu réparateur. Resserrant autour d’elle son gilet bien trop fin, elle serra la main qui reposait encore au creux de la sienne. Froide. Inerte. Morte.

Se redressant avec rapidité, elle secoua cette main tant aimée, cette main qui s’était tant de fois posée sur elle, mais rien ne se passa. Aucune réaction. Un silence pesant et inquiétant régnait tout autour d’eux, elle cria de toutes ses forces « Infirmières » mais personne ne vint à son secours.

Ses yeux s’habituèrent peu à peu à l’obscurité maîtresse de la pièce et un nouveau sentiment de panique secoua son corps déjà si brutalisé : elle n’était pas dans la chambre d’hôpital. Le corps de Mulder, sans vie reposait près d’elle, sur un lit, mais dans un autre endroit.

Désormais réveillée, elle tourna dans ce nouveau lieu comme un animal en cage, désespérée et anéantie. Ils étaient chez Mulder. A nouveau. Un cri puisant s’échappa de la bouche de Mulder : son buste se souleva et il se retrouva dans la position assise, respirant comme pour la première fois.

Sa peau avait encore cette teinte blafarde et ses yeux étaient toujours posés à l’opposé de la pièce, regardant dans le vide.


« Mulder? Mulder tu m’entends? »

Tournant légèrement la tête, il la fixa enfin. Les mots qu’il prononça vinrent achever Scully pour toujours :

« Tu m’as tué. »

Se réveillant en sursaut, Scully manqua de s’effondrer de son fauteuil : la respiration haletante et la vue brouillée par les larmes, elle attrapa la main de Mulder qui avait dû glisser durant la nuit. Elle était chaude, vivante. Avec soulagement, elle le regarda dormir, remerciant le ciel de voir sa cage thoracique se soulever dans un rythme régulier.

Repoussant l’heure du réveil de son partenaire, elle se cala un peu plus confortablement au fond du fauteuil, repensant à son horrible cauchemar. Son esprit scientifique la poussa à dire que son rêve si désagréable provenait de l’accumulation de stress et d’angoisse des dernières semaines.

Mais son cœur de médecin et surtout de femme, la poussa à admettre la vérité latente et sous jacente qu’elle avait tant de fois repoussée : si elle ne s’était pas endormie, elle aurait pu sauver Mulder.

La culpabilité est maîtresse des vies de chacun : elle est un guide qui remet chaque homme sur le droit chemin et l’oblige à regarder ses actes avec lucidité et honnêteté. A ce moment là, la culpabilité et le remord rongeaient Scully avec frénésie et avidité : elle était coupable de son état, tel était le leitmotiv qui revenait sans cesse à son esprit. Encore plus épuisée que la veille, elle se détacha de Mulder avec douceur et partit se chercher un café, déterminée à voir le médecin qui s’occupait de son coéquipier.
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyMer 25 Oct - 17:56

Ouvrant la porte avec une impatience mal contenue, Scully emprunta le couloir qui menait jusqu’à la réception d’un pas plus que déterminé. Ses cheveux sans dessus dessous, le visage ravagé par le manque de sommeil, les larmes et le millier d’émotions qui la torturaient, Scully atteignit enfin la machine à café. Une fois le gobelet en main, elle but d’une traite le précieux liquide ambré sans quoi elle ne pouvait dignement commencer la journée. Expirant tout l’air de ses poumons, elle fit volte face puis failli se heurter au médecin qu’elle recherchait.

« Docteur Metcalfe, Mulder… Il a repris conscience cette nuit. » Dit-elle en s’efforçant de reconstruire ce mur qui l’aidait à aborder n’importe quelle situation, aussi insoutenable soit-elle.

« Une infirmière vient de me communiquer la nouvelle, je vous accompagne jusqu’à sa chambre. » Annonça-t-il avec un sourire assuré, tendant le bras dans la direction à emprunter.

Scully ouvrit la marche, elle parvenait peu à peu à reprendre la maîtrise d’elle-même. L’euphorie qui s’était emparée d’elle à l’annonce du réveil de Mulder avait laissé place à une tension qui contractait tous ses muscles. Telle une onde qui se réverbérait en elle, un grondement provenant de ses entrailles, l’angoisse montait en elle et promettait une réaction explosive. Pyroclastique. Le plus elle se contenait, le plus elle serait incontrôlable arrivée au moment fatidique, celui du nouveau diagnostique.

Immédiatement, la jeune femme retrouva sa place aux côtés de Mulder, le réveillant avec douceur, d’une main sur l’épaule et d’un murmure. Ses yeux remuèrent sous ses paupières, puis il se réveilla, le doute enveloppant tout son corps.


« Bonjour Mr Mulder, je suis le Dr. Metcalfe, heureux de vous voir enfin parmi nous. » Se présenta le médecin avec un sourire énigmatique.

« Bon… our… » Articula Mulder, fermant les yeux à l’entente même de sa propre voix.

Scully se tenait près de son lit, une main posée sur la sienne, comme pour le rassurer, sachant qu’il allait entendre la cruelle vérité sur son sort.

« Vous éprouvez des difficultés à parler? »

« O…ui. »

« C’est tout à fait normal après un tel choc cérébral, avec le temps la parole reviendra. »


Mensonge. La jeune femme observa avec insistance le médecin qui continuait de sourire à Mulder, tout en soutenant son regard paniqué.

« Sentez vous vos jambes? »

« N-…non. »

« C’est aussi une séquelle tout à fait normale mais regrettable : vos membres sont ankylosés, il faudra travailler avec acharnement pour remettre en route votre corps. Je pense que je vais vous laissez vous reposer, je passerai plus tard, je vous laisse aux bons soins de votre amie. »

« Docteur? Puis je vous parler un instant? »

« Bien sûr, suivez moi dans le couloir. »


Angoissé par l’attitude soudaine de Scully, Mulder serra sa main avec force, l’interrogeant du regard. Souriant, elle lui chuchota qu’elle reviendrait vite. Arrivée dans le couloir, elle laissa tomber son apparence chaleureuse pour adopter son masque grave et froid.

« Docteur, pourquoi avoir menti à votre patient? »

« Il sort d’un coma, je n’allais pas le secouer avec une mauvaise nouvelle. »

« Vous le nourrissez de faux espoirs. »

« Écoutez-moi, je n’allais pas lui dire qu’il serait un légume le restant de ses jours, je n’allais pas lui avouer qu’il ne pourrait plus jamais parler correctement, qu’il serait handicapé pour le restant de ses jours et que son état le conduirait forcement à la mort, sa seule délivrance. »


Elle ne put répondre. Elle resta debout, incapable de bouger et de penser. Le médecin s’éloigna sans se soucier de leur détresse. Se devait-elle de tout lui dire une fois arrivée à ses côtés ? En aurait-elle la force ? Aurait-elle assez de courage pour plonger son regard dans celui de Mulder en prononçant des mots qui sonneraient comme le glas annonçant son exécution ?

Baissant la tête, elle tenta de réguler sa respiration, ce médecin, ce lâche lui avait relégué cette terrible mission. Elle serait la personne qui détruirait tous les espoirs, aspirations et rêves de Mulder… Jamais elle ne pourrait effacer cette journée de sa mémoire et elle ne sortirait pas indemne de cette douloureuse épreuve.

La main sur la poignée de la porte, elle entra dans la pièce légèrement éclairée par les premières lueurs du jour. Mulder l’observa comme s’il savait déjà ce qu’elle allait lui révéler, cette pensée donna la chair de poule à Scully, elle devait tout lui dire, rien ne devait rester négligé.


« Mulder… » Hésita-t-elle en s’asseyant sur le bord du lit plutôt que sur la chaise.

« N…on… ‘e sais… N…on… » Prononça-t-il avec difficulté, ses yeux s’assombrissant et devenant brillants.

« Tu… » Continua Scully, elle devait aller jusqu’au bout, être forte. « Tu as subi une violente attaque vasculo-cérébrale… Certain nerfs ont été touchés, certains partiellement, d’autres… irrémédiablement. » Expliqua-t-elle doucement pour lui laisser le temps d’assimiler les choses.

Il remuait la tête du peu que ses muscles affaiblis le lui permettait, reniant l’évidence, reniant l’indicible. Les larmes brûlèrent les yeux de Scully mais elle les empêchait de dévaler ses joues avec une volonté admirable. L’un se rattachait à la main de l’autre comme un ultime secours, comme un guide à travers la brume épaisse et angoissante qui les entouraient.


« La plupart de tes membres, y compris la mâchoire, sont paralysés… Tu… Je sais que tu me comprends Mulder, je… Oh mon Dieu Mulder, jamais plus tu ne pourras retrouver toutes tes facultés, les gestes, la paroles… Je suis tellement désolée… » Souffla Scully, ne pouvant réprimer son chagrin plus longtemps et s’écroulant en sanglots contre son torse presque immobile.

Les yeux de Mulder étaient grand ouverts, il avait tout entendu, tout compris, mais comment pouvait-il y croire ? Comment son corps, qui avait été son plus fidèle allier, pouvait désormais se retourner contre lui et devenir une affreuse prison invisible et… invincible ? Il ne pouvait l’accepter, comment Scully pouvait-elle d’imaginer qu’il en resterait là ? Il se battrait, il réapprendrait à marcher, à parler correctement…

Et Scully qui était contre lui, les yeux fermés, n’osant pas le regarder. Il avait envie d’hurler son nom, de lui dire qu’il réussirait, qu’il vaincrait cette tragédie, comment pouvait-elle baisser les bras si facilement. Ne croyait-elle plus en lui ? Le trouvait-elle faible et incapable ? Il ne bougea pas d’un pouce, elle l’avait abandonné, si elle ne croyait plus en lui alors il se débrouillerait seul, il ne resterait pas dans cette situation éternellement. Il ne resterait pas dépendant des autres, il ne… Il ne serait pas un légume !!!

Ses lèvres remuaient mais aucun son ne sortait : sa gorge était nouée, et le corps de Scully sur sa poitrine pesait comme un poids mort. Il avait toujours vu en elle une femme battante et courageuse et même au pire moment de son cancer elle était restée forte, autant qu’elle avait pu.

Mais aujourd’hui il sentait ses larmes couler le long de son torse, et lorsqu’elle releva enfin son visage, Mulder sut qu’il y avait autre chose. Scully ne se laissait jamais aller, jamais elle pleurait avec autant de douleur dans les yeux.

Son cas était réellement grave. La mort. Douce ironie de la vie, il avait côtoyé de par son métier la mort de très près dans différentes missions, et toujours la mort l’avait repoussé, remettant à plus tard ce rendez-vous universel et angoissant.

Mais maintenant elle était là, tapie dans l’ombre, menaçante et attirante. Elle l’appelait de sa voix douce et monocorde, elle s’élevait tout autour de lui dans une plainte déchirante, elle était présente. Et vivante. Il ne pouvait parler. Et il ne voulait parler.


« Mulder, » commença la jeune femme. « Je ne sais pas ce à quoi tu penses en cet instant mais… je suis là… »

Alors qu’elle allait poser sa main sur la sienne, il puisa ses dernières forces pour déplacer son bras.

« Mulder ? »

Fermant ostensiblement les yeux, il attendit qu’elle parte : il ne voulait plus rien, ni une présence rassurante, ni une aide. Il voulait s’enfermer dans son monde où tout était muet et paralysé. De fines larmes coulèrent le long de ses joues, sublimant les fines rides qui étaient apparues bien avant le dernier printemps.

Redressant la tête, Scully comprit instantanément sa réaction, il la rejetait. Il ne voulait plus d’elle, faible et inapte à être d’un quelconque soutient. Elle était parfaitement inutile, pire, elle était responsable de tout, elle était la cause de son état. Mordant sa lèvre inférieure, aussi bien pour souffrir que pour contenir ses sanglots, Scully se releva, lui adressant un dernier regard avant de sortir de la pièce. Une fois la porte fermée, elle s’y adossa et d’un revers de manche essuya son visage qui ruisselait encore des larmes qu’elle venait de verser.

Sale, elle se sentait désespérément sale et outrageante. Comment se permettait-elle de pleurer devant lui alors que lui-même n’en n’est plus capable ? Scully était révulsée par son propre comportement, si égoïste, faible et pathétique. Si l’un d’eux avait le droit de craquer, de se laisser aller, c’était bien Mulder, pas elle, c’était lui qui venait de perdre les commandes de son corps, de sa voix… Sa voix, ces mots prononcés avant tant d’intensité et de croyance, ces conversations animées et passionnées, ces monologues explicites et si convaincants… Jamais plus elle n’aurait la chance d’entendre sa douce voix, jamais plus il n’aurait le plaisir de s’exprimer avec une emphase qui ne tenait qu’à lui.

En une soirée, la vie de Mulder avait basculé, pour le pire, pour un cauchemar insurmontable… Comment supporterait-il tout cela ? Scully secoua la tête, elle n’en avait aucune idée… Le remord la rongeait et elle se sentait toujours aussi sale qu’en quittant l’hôpital. Son appartement vide l’accueillit dans son morne silence et la salle de bain devint son refuge, le jet froid de l’eau son sanctuaire.

Sous le jet accusateur de sa douche, Scully se confondait en excuses intérieures : comment pourrait elle vivre en harmonie avec son esprit et son âme si Mulder n’était pas à ses côtés pour l’aider? Encore une fois, elle eut honte de ses pensées. Elle essayait d’imaginer sa vie sans le Mulder d’autrefois sans penser à ce que Mulder devait ressentir à cet instant.

Un souvenir lointain commença alors à faire surface. Son premier réveil après le début de la chimiothérapie. Elle avait voulu mourir tant la douleur était immense. Elle avait hurlé sa souffrance, pleuré tant les plaises intérieures et invisibles ravageaient son corps. Elle avait connu le mal à l’état pur, sous sa forme la plus forte.

La buée avait envahi le grand miroir de sa salle de bain : en un coup de serviette, elle laissa apparaître son propre reflet. Des yeux encore rouges d’avoir tant pleuré, un visage contrarié et fatigué, une pâleur extrême. Et ce cauchemar qui revenait sans cesse : sa place n’était pas ici.

Elle devait se montrer plus forte que ses émotions si puissantes : se rhabillant à la hâte, elle quitta son appartement silencieux par habitude pour rejoindre la chambre silencieuse de Mulder, par contrainte.
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyMer 1 Nov - 2:58

« De cette manière, il n’aura pas besoin de forcer sur ses cordes vocales, les capteurs retranscrivent ses paroles à l’écrit sur cet écran. » Expliqua le Dr Metcalfe, jetant un coup d’œil à son patient qui détournait la tête, comme toujours.

« Alors c’est tout, vous n’allez pas lui prescrire d’exercice pour faciliter sa prononciation ? Vous préférez le laisser s’enfoncer dans son mal ? » S’insurgea Scully, haussant le ton et levant les yeux au ciel.

« Mlle Scully, je vous l’ai déjà dit, je sais que la vérité est parfois dure à croire mais il est impossible qu’il puisse un jour se remettre de ses paralysies. Qu’il s’agisse de retrouver la mobilité de son bras, de sa jambe ou de sa mâchoire. Vous devez vous faire une raison. » Essaya-t-il de la raisonner avant de quitter la pièce sans lui accorder plus d’attention.

« Jamais je n’abandonnerai. » Murmura Scully, plus pour elle-même que ce médecin à la conscience professionnelle bien superficielle en fin de compte.

Déçue mais pas encore abattue, Scully s’approcha de Mulder, esquissant un sourire timide et gêné. Lui, de toute façon, refusait obstinément de croiser son regard. Il l’ignorait, la fuyait, par tous les moyens. Il fermait les yeux, détournait la tête, restait désespérément muet. Alors Scully s’asseyait à ses côtés, pendant des heures, des jours, à lui apporter une compagnie et un mince confort qui lui étaient égaux. Il n’avait même pas fait les tests de cet appareil lorsque Scully était là, il l’avait repoussée, mise à l’écart. La raison de sa froideur était encore trouble à la jeune femme : était-ce une rage intérieure ? De la colère envers elle ? Une résignation ?

Tel un soldat endoctriné par son supérieur et sa patrie, Scully se montrait fidèle chaque jour à son chevet. Elle tentait de lui parler, de le raisonner mais il restait enfermé dans cette bulle de colère inexpliquée et de rage incontrôlée. Jusqu’au jour où la jeune femme craqua, le sommant de bien vouloir lui dire ne serait ce qu’une parole.

Les yeux vifs de Mulder vinrent la foudroyer en plein cœur : ce regard la glaça aussi vite qu’elle avait pu perdre son sang froid. Jamais elle ne pourrait oublier ce regard où le dégoût et le mal être se mélangeaient à la détresse et la tristesse. Jamais. Une phrase apparut enfin sur l’écran. Des semaines qu’elle avait attendu ce miracle de la technologie. « Aide moi » furent ses seuls mots.

Uniques. Touchants. Déstabilisants.


- Je ne fais que ça Mulder.

« Non ». S’approchant du lit, elle décela une lueur de panique dans les yeux de Mulder mais au bout de quelques secondes, elle se demanda si ce n’était pas son propre reflet qu’elle apercevait.

- La médecine ne peut…plus rien pour toi. Et tu le sais. Et je le sais aussi.

« Aide moi ». La prière revenait sans cesse brouiller l’esprit malmené de Scully. Elle ne savait que faire pour soulager ce désarroi grandissant. Pourquoi se décidait-il à lui parler à ce moment précis? Pourquoi ne pouvait-il pas comprendre qu’elle ne pouvait rien faire? Cet instant sembla s’éterniser, jusqu’à ce que Mulder, épuisé, arrête de l’implorer

Se laissant à nouveau glisser dans cet état de léthargie, il ferma les yeux et lui prouva combien son humeur pouvait changer en quelques minutes. Inutile. Elle se sentait plus qu’inutile. Alors qu’elle refermait en douceur la porte de la chambre, elle prit une décision importante. La plus importante qu’elle n’ait jamais faite, la plus déroutante et la plus décisive de toute sa vie.

Arrêtant au détour d’un couloir le médecin de Mulder, elle changea le cours du temps et le cours de l’existence de son ami.


***


Le lendemain matin, Mulder fut réveillé à l’aube par les infirmières. Une première entreprit d’ouvrir son armoire et se mit à plier toutes ses affaires dans les deux grands sacs que Scully avait ramenés des semaines plus tôt. Affolé, il s’empressa d’écrire un message sur l’ordinateur:

- Mais Mr Mulder, vous déménagez aujourd’hui!

Aux premières heures du jour, Scully s’était levée avec un entrain qu’elle n’avait plus eu depuis des semaines. S’installant près de sa fenêtre, elle prit le temps de boire un thé ainsi que de prendre un petit déjeuner digne de ce nom. Le soleil venait déjà chatouiller son visage reposé après une longue nuit de sommeil. La veille, elle avait rangé entièrement son appartement qui était resté depuis quelque temps dans un désordre apparent et gênant. Sachant qu’elle était en avance, elle partit à pieds prendre l’air afin de réfléchir une dernière fois à la décision qu’elle venait de prendre. La douceur de la température et la beauté de la nature la conduisirent dans un calme apaisant à suivre les allées bordées d’arbres et de fleurs à peine écloses après ce rude hiver. Fut-ce le fruit du hasard si ses yeux se déposèrent sur la petite chapelle qui se trouvait no loin de chez elle? Mue par cet étrange force dont elle ne connaissait l’origine, elle entra dans le haut sanctuaire de la paix. Dans le parloir du confessionnal, elle attendit qu’une voix rassurante se fasse entendre.

- Dieu vous écoute.
- Mon père j’ai pêché.
- Parlez et expliquez moi tout.
- J’ai un collègue…un ami très proche à moi qui est malade.
- Sa vie est elle en danger?
- Oui, nous savons que sa vie peut autant se compter en mois qu’en heures. J’ai voulu l’aider mais je me suis rendue compte que…
- Vous faisiez abstraction de sa peine, vous souciant plus de la votre?
- Oui. Et j’ai voulu agir. Alors j’ai décidé qu’il serait en soins mais chez moi. Je pourrai m’en occuper tout le temps.
- Et ainsi l’accompagner dans ce long chemin sinueux qu’est la maladie. Vous devez profiter de l’instant présent, ne penser pas à ce que ce sera votre vie demain. Pensez d’abord à ce que sera sa vie aujourd’hui.
- Merci mon père.


L’avait-il rassurée? Aidée? Elle ne put vraiment l’expliquer, mais lorsqu’elle sortit de l’Eglise, elle put ressentir en elle un nouveau souffle. Une seconde chance pour Mulder. Et pour elle.

Lorsqu’elle arriva devant chez elle, un sourire magnifique illumina son visage: une ambulance venait de se garer, ils étaient pile à l’heure.


- Dr Scully? Bonjour!
- Bonjour. Le trajet s’est bien passé?
-Oui aucune complication…à part la mauvaise humeur de votre ami…ce n’était peut être pas une bonne surprise.
- Ne vous inquiétez pas, il est toujours comme ça!


Les deux ambulanciers rirent face à ce petit bout de femme qui leur parlait d’un ton si enjoué, avec autant d’aplomb. Scully fit le tour du véhicule et ouvrit le porte arrière : Mulder était immobilisé sur un lit spécialement conçu pour les soins à domicile.

- Bienvenue chez toi Mulder.

Le regard interrogateur de son ami n’était pas flatteur mais elle savait qu’elle avait le bon choix.

Il fallut plus d’une heure pour pouvoir installer Mulder correctement. La chambre d’amis était vaste et accueillante: les teintes pastels étaient d’une douceur infinie, ce qui, a premier coup d’œil, sembla rassurer Mulder. Les différents appareils furent branchés: il serait 24 heures sur 24 aidé d’un respirateur pour pallier à toute urgence en cas de détresse respiratoire. Son ordinateur fut également installé à ses côtés et Scully reçut les dernières consignes de sécurité.
Lorsque la jeune femme referma la porte, elle prit une grande respiration avant de se diriger dans la chambre d’amis. Il était là. Sous ses yeux.
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptySam 4 Nov - 3:44

Deux mois qu’il était dans cet état, entre végétatif et prisonnier qu’un corps qui ne lui répondait plus. Il avait pourtant tout tenté pour essayer d’éloigner Scully de l’hôpital, il avait été désagréable à souhait, et ce en vain. Scully avait insisté, elle était restée à ses côtés pour chaque épreuve, il avait eu raison d’elle le jour où on lui avait installé cet ordinateur.

Elle n’avait pas laissé les bras, elle ne l’avait pas repoussé et enfermé dans une maison de repos douteuse, jetant la clé pour l’oublier. Non, au contraire, elle avait fait un geste sublime, un sacrifice incroyable, celui de dévouer sa vie à lui prodiguer ses soins, en l’accueillant chez elle, dans son univers ultime.

Comment parviendrait-il à la rejeter pour éviter qu’elle ne s’attache trop à lui ? Comment la convaincre de l’aider sans la faire souffrir ? Sa requête n’en serait que bien plus ardue, les cicatrices en résultant bien plus profondes et marquantes à vie. Comment réussir à se faire détester par la femme qui vous maintient pourtant en vie par un simple regard ? Par une femme qui représente la vie à vos yeux ? Comment lui demander une aide qu’elle serait de plus en plus incapable de lui offrir ?


« Mulder ? » Résonna la voix de Scully dans la pièce, l’extirpant de ses pensées.

Il tourna les yeux vers elle, encore surpris de la voir ainsi après une semaine. Elle était vêtue d’une jupe écrue et d’un petit pull bleu ciel en cashmere. Cette tenue lui allait à ravir mais ce qui retenait l’attention de Mulder tel un pendule sur lequel il rivait son regard, c’étaient ses pieds. Ils étaient nus et il pouvait voir ses orteils joliment décorés par un vernis bordeaux, le second plus grand que le premier. Qui aurait cru que Scully avait le pied grec ? Son magnifique nez aquilin aurait pourtant dû le mettre sur la voix se dit-il intérieurement.

Alors qu’il s’attardait sur sa beauté resplendissante, il pensa à son apparence : durant des années, il avait tout fait pour toujours être au plus haut de sa forme, il n’était aujourd’hui qu’un vulgaire pantin, une poupée de chiffon misérable et délaissée dans un coin, sauf par Scully.

Toujours il pourrait compter sur elle, mais serait-elle assez forte pour remplir cette dernière mission à ses côtés? Les jours passaient dans un calme plat et rassurant : la jeune femme reprenait goût à la médecine depuis l’arrivée de Mulder ; elle réapprenait ses gestes quotidiens, faisait ses prises de sang avec soin et attention et venait sans cesse vérifier ses fonctions vitales et le bon fonctionnement de tous les appareils. Mais si elle venait régulièrement dans cette chambre, c’était pour voir si Mulder lui laissait un message sur l’écran. Mais ces moments étaient rares, car il restait encore dans cette peur qu’elle s’attache à lui alors qu’il était au bord du précipice : combien de temps parviendrait-elle à le retenir dans la grisaille de cette vie? Arriverait-il bientôt ce jour où, à son tour épuisée, elle lâcherait prise, le laissant tomber dans ce gouffre sans fond de la mort? Ses membres ne répondaient plus mais son esprit, lui, écoutait et était à l’affût du moindre détail. Les heures passaient lentement, l’ennui et la peur ne faisant bon ménage, Mulder angoissait toujours un peu plus et toujours plus longtemps. Il redoutait chaque instant passé avec Scully : l’outrage ultime venait lorsqu’elle s’occupait de faire sa toilette. Plus qu’une gêne, elle commettait l’impardonnable : elle lui montrait combien il pouvait dépendre d’elle. Pourtant lorsque ses mains fines parcouraient son visage ou son torse, ce n’était plus la colère qui électrisait son corps, mais un tout autre sentiment. Celui de l’admiration.

Elle se montrait courageuse et dévouée en mettant de cette façon sa carrière de côté. Elle sacrifiait des heures à s’occuper de lui, à faire comme si de rien n’était lorsqu’il s’étouffait en buvant, à éviter de voir ses larmes d’impuissance qui coulaient souvent ces derniers temps le long de ses joues. Elle était elle. Pour lui.


***


Scully se tournait et se retournait dans son lit, le sommeil impossible à trouver. Quelque chose la tracassait mais elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur la raison de ce malaise. Dans quelques heures le soleil se lèverait et Scully avec, mais le repos lui manquerait si elle ne réussissait pas à s’endormir rapidement.

Excédée, elle finit par poser les pieds au sol, s’emparant de sa robe de chambre qu’elle enfila dans le but de rejoindre la cuisine, le tout sans un bruit. Néanmoins, passant devant la chambre de Mulder dont la porte restait ouverte en permanence, un clignotement rouge attira son attention.

Pénétrant la pièce plongée dans l’obscurité, elle se précipita vers le lit, trouvant Mulder le visage contorsionné par la douleur. Les yeux de la jeune femme ne quittèrent sa silhouette qu’un instant pour lire l’écran de l’ordinateur qui affichait « mal – bras ». Scully ne fit ni une ni deux, attrapant sa sacoche pour se munir d’un flacon transparent ainsi que d’une seringue. Elle injecta la solution salvatrice dans la veine de Mulder qui ressortait de son bras gauche, tendue par la contraction de tous ses muscles. Reposant son matériel sur la table de chevet, elle vint s’asseoir sur le bord du lit, tenant sa main dans sienne et caressant son visage de l’autre, jusqu’à ce que la douleur s’estompe totalement. Ce type de crampe n’était pas rare chez les victimes d’accident vasculo-cérébrale, les terminaisons nerveuses étant souvent sensibles désordonnées par la suite.

Alors qu’il refermait enfin les yeux, Scully glissa dans le fauteuil qu’elle avait installé dans la chambre, ne perdant jamais le contact de ses doigts et appuyant sa tête contre le matelas. Peut-être réussirait-elle à dormir en sachant qu’elle pourrait réagir plus rapidement si besoin était ? Elle ne pu apporter de réponses à cette question, ses paupières s’affaissant aussitôt et son esprit se perdant au milieu de songes agonisants de cruauté et de réalisme.

Un rayon de soleil transperça les persiennes et vint avec délicatesse réveiller Scully. Alors que ses yeux s’habituaient avec lenteur à la vive lumière, elle sentit un poids sur sa main : se relevant, elle vit que Mulder était encore profondément endormi, sa poitrine se soulevant dans un rythme régulier et rassurant, tel le tic tac parfois bien trop familier d’une horloge

La vapeur de la bouilloire, les cris des enfants partant à l’école, les voitures passant sous sa fenêtre, le carillon tintant au gré du vent, le respirateur de Mulder…son environnement suivait la calme et la douceur de cette journée et tout semblait en ordre. Elle prépara avec soin les différents médicaments de Mulder et se rendit dans sa chambre : le verre d’eau qu’elle tenait à la main s’effondra et se brisa en mille morceaux au sol. Mulder la regarda droit dans les yeux tel une victime affrontant son bourreau ; il commençait à livrer sa dernière bataille. La paralysie venait d’atteindre le côté droit de son visage. Son œil ne connaîtrait plus jamais le repos, le coin de sa bouche à tout jamais formait un rictus angoissant.

La pente se transformait peu à peu en descente inévitable vers l’Enfer. Ramassant les morceaux de verres brisés, Scully se réfugia dans sa cuisine. Comme une lâche, fut sa pensée.

Serrant les tessons dans sa main, elle ne se rendit pas compte qu’elle saignait, la douleur dans son cœur prenant le dessus sur toute autre souffrance. Elle était indifférente à tout ce qui l’entourait, excepté le calvaire dans lequel se trouvait Mulder. Se débarrassant des débris, elle passa ses mains sous l’eau sans même prendre la peine de les examiner et de les désinfecter. Son regard était brouillé par les larmes quand elle poussa la porte de la chambre.

Quelques mots ornaient l’écran de l’ordinateur et des frissons tétanisèrent Scully, effrayée de les découvrir, de les lire. Elle s’avança néanmoins, d’un pas mal assuré et ses yeux se fixèrent un instant :
« Aide-moi Scully, aide-moi à en finir. »

Sa mâchoire devint lourde et ses jambes fragiles sous le poids de cette annonce mortifiante. Elle se tourna vers Mulder qui continuait à l’observer, il avait dû puiser ses dernières forces pour réussir à inscrire cette supplication. Instinctivement, elle secoua négativement la tête, reculant d’un pas, et ses yeux se troublant de nouveau d’eau salée.

« Si tu m’aimes, aide-moi à en finir Scully. »

Cette dernière phrase faillit faire s’évanouir Scully, une main contre le rail du lit, l’autre devant sa bouche, elle ne pouvait prononcer un mot. C’était justement parce qu’elle l’aimait qu’elle se refusait de le laisser partir. Comment oser lui demander d’effectuer un tel acte ? un acte qui lui ôterait la vie autant à lui qu’à elle ?

Secouant la tête en signe de négation, Scully recula jusqu’à ce que son dos touche le mur froid. Elle ne le ferait pas. Elle n’en avait pas la force, encore moins l’envie.
« Abrège ma souffrance ». Elle ne pouvait pas.

« - Désolée… »

On n’aurait pu dire lequel paraissait le plus en détresse: lui ou elle. La vie et la mort. Mettre fin à la vie de Mulder. L’idée en elle-même était inconcevable. Elle était prête à tout pour lui, à offrir sa propre existence pour qu’il survive. Mais l’achever était impossible. Pouvait-il invoquer la force des sentiments et l’amour comme raisons valables ? Au nom de leur lien sacré, pouvait-il lui demander de faire une chose aussi abominable? Durant ses études de médecine elle avait appris à garder un homme en vie. Durant les enquêtes au FBI, elle avait vu combien une vie pouvait être fragile et brisée. Et aujourd’hui, de ses mains vierges de tout crime elle devait ôter le souffle et les battements du cœur de son ami.

Jamais au grand jamais elle n’oserait le faire. Ses pires démons eux mêmes l’en empêcheraient. Au niveau de l’éthique, l’euthanasie était légale du moment que le patient se trouve dans un état réellement grave et incurable. Mais au plus profond d’elle même, sa foi de chrétienne lui insufflait ce désir de résister, de croire jusqu’au dernier moment au miracle qui ferait que Mulder pourrait encore tenir, quelques jours, quelques semaines à ses cotés. L’égoïsme récurrent qui sans cesse la frappait la rendait de plus en plus malade : c’était à celui qu’elle aimait qu’elle devait penser et non à se propre souffrance.

Ne pouvant lutter plus longtemps, Scully s’échappa de cette pièce lourde de tension et bouleversante par les mots qui y avaient été prononcés ou écrits. Elle se réfugia dans son salon, et au moment où ses jambes se dérobaient sous elle, elle s’effondra au sol. D’intenses sanglots secouèrent son corps exténué et traumatisé. Tombée à genoux sur le parquet, elle enfouit son visage ruisselant de larmes dans ses mains et se recroquevilla sur elle-même, jusqu’à ce que son front touche quasiment le sol. Elle pleura de longues minutes, drainant son cœur d’une tristesse intarissable, d’un malheur qui l’étranglait littéralement et la laissait haletante. Ses spasmes redoublaient de force et il lui était parfaitement impossible d’atténuer la douleur qui étreignait son membres balafrés. Ses yeux semblaient être des cascades d’eau salée, déversant sans cesse un flux imperturbable, et ne laissant aucun répit aux parois fragiles qu’étaient ses joues délicates.

De pernicieux sursauts firent leur apparition sous forme d’un hoquet incontrôlable, signe de l’état de faiblesse mental et physique dans lequel elle se trouvait. Dans un dernier élan de courage, elle s’empara du téléphone et prononça d’une voix déformée par une détresse évidente :


« Je vous en prie, venez prendre soin de Mulder quelques heures… »

Raccrochant, elle savait que c’était la meilleure chose à faire, pendant que les Lone Gunmen s’occuperaient de Mulder, elle pourrait rejoindre sa mère et lui faire part de la terrible requête exprimée par Mulder. Peut-être pourrait-elle la guider dans ses choix, éclaircir cette route sinueuse et trop sombre pour qu’une âme en peine telle que la sienne y hère désespérément seule ?

Ne prenant pas la peine de se donner figure plus humaine, Scully attacha avec simplicité ses cheveux mais ne daigna pas se changer ni se maquiller. Son cœur avait cessé de battre normalement depuis de longues minutes et le goût amer qu’elle ressentait au fond de sa bouche ne cessait de lui rappeler, tel un leitmotiv maléfique, que ce goût était celui de la vie à l’état brut, de la vie éphémère, de la vie mensongère, de l’existence qui avait trahi Mulder et qui désormais se retournait contre elle. Elle se sentait trop vivante pour mettre fin aux jours de celui qui lui avait appris l’amour au sens pur et vrai.

Lorsque les Bandits Solitaires toquèrent à sa porte, Scully s’empressa d’attraper son sac et ses clés : passant à leur cotés, elle leur fit signe qu’elle était désolée, et avant qu’ils ne puissent prononcer le moindre mot, elle était déjà partie. Les trois amis se dirigèrent vers la chambre d’amis, conscients qu’un drame avait du se produire. Ils trouvèrent Mulder en proie à une crise de larmes incontrôlables : ce dernier à la vue des trois hommes qui pénétraient dans son sanctuaire de la haine et de la maladie se calma, honteux de se montrer faible. Tel l’enfant qui a honte et qui désire se cacher, Mulder aurait voulu disparaître loin des regards de compassion et de pitié. Il lui importait peu de savoir que ses amis s’inquiétaient pour lui : la seule qui pouvait l’aider avait disparu sans explication.
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyMar 7 Nov - 1:03

Un soleil éblouissant gênait la visibilité des conducteurs. Dana Scully devait faire un effort spectaculaire pour arriver à se concentrer sur la route. Les kilomètres défilaient mais la tristesse, elle, stagnait et restait en elle et tout autour d’elle. Le printemps n’avait plus aucun sens s’il devenait synonyme de mort et de peine.

Enfin elle arriva devant la maison rassurante de sa mère. Elle ne sut jamais vraiment comment elle était arrivée en vie mais désormais son chagrin se noyait contre l’épaule de sa mère. Où était la douce enfance, où petite fille elle enfouissait ses peines et ses malheurs contre le sein doux et parfumé de la mère aimante et aimée? Aujourd’hui elle était adulte et ses pleurs tombaient en cascades déroutantes contre l’épaule plus fragile et plus faible de la mère. Margaret Scully savait pertinemment qu’elle ne calmerait pas avec facilité son enfant. Caressant ses cheveux, elle attendit que la crise dévastatrice s’essouffle, laissant du répit à Dana. Elle savait que sa fille passait une période difficile puisqu’elle s’occupait jour après jour de Mulder chez elle. Était ce une mauvaise nouvelle concernant son ami et confident?


« - Ma chérie…que se passe t’il?
- C’est..c’est…Mulder. »


Les pires craintes de Margaret se confirmèrent : il était arrivé un drame.

« - Il n’est pas… ?
- Non . C’est pire. Il me demande de le tuer.
- Oh mon dieu. Que lui as-tu répondu?
- Que je ne pouvais pas. Je ne peux pas lui faire ça.
- Quand t’as t’il demandé cette requête?
- Juste avant que j’arrive chez toi.
- Tu ne l’as pas laissé seul ?
- Non non…il fallait à tout prix que je vienne t’en parler…je ne sais plus où j’en suis…si je dois l’aider. Maman c’est un battant, il s’est toujours battu pour ses convictions, je ne comprends pas qu’il renonce quand il s’agit de sa propre vie !
- Il ne doit pas baisser les bras tu le sais aussi bien que moi. Les médicaments, la fatigue, le mal qui le ronge le poussent à se retrancher dans un brouillard que seule toi tu pourras éclaircir : tu es la seule en qui il a confiance, tu es la seule à pouvoir le raisonner. Penses-tu que tu pourras vivre en harmonie avec ton âme et ta conscience si tu lui enlèves la vie? Penses-tu que Dieu donne la vie pour que quiconque, se croyant doté d’une puissance égale, puisse l’enlever? Penses-tu avoir cette force en toi ? Penses-tu être habitée par le devin? Moi je ne crois pas Dana. Écoutes-moi ma chérie, il ne sait plus où il en est, il profite de tes faiblesses et de tes sentiments pour t’éloigner à ton tour de la vraie lumière : tu ne dois céder à son désir… N’écoute pas ton cœur, mais écoute la voix de la raison. C’est à elle de te guider.
- Est ce Dieu qui insuffle l’amour dans les cœurs des hommes?
- Pardon?
- Dieu dit bien que nous devons tous nous aimer et nous entraider, pas vrai?
- Je…
- Vrai ou faux? Le message véhiculé par Dieu n’est il pas celui de l’amour? Puis-je, au nom d’un sentiment que je pense plus fort que tout, puis-je passer outre les commandements d’un Dieu qui se montre absent alors que mon ami se meurt au fond d’un lit? Maman... Tu ne comprends pas, je pense que parfois on croit si fort en ce que nous dit la religion que l’on en est aveuglé… Parfois je me dis qu’il y a des sentiments au-delà de la croyance. Maman, il m’a dit que si je l’aimais, je devais faire ça pour lui ! Son amour, c’est tout ce qui me porte, ce qui me guide jour après jour, bien plus que la religion ne l’a jamais fait. Je ferais n’importe quoi pour lui, il m’a tant de fois sauvé la vie, si je peux sauver son âme alors peut-être devrais-je au moins considérer la question, tu ne penses pas ?
- Si l’amour est un moteur de la mort pour toi, alors c’est ton choix. Si par amour tu es prête à salir tes mains vierges de tout crime, alors c’est ton choix. Si par amour, tu penses que tu pourras vivre avec ce crime en tête jusqu’à la fin de tes jours, ce sera aussi ton choix. Mais saches que lorsque tu te retourneras et que tu repasseras en toi le grand film de ta vie, juste avant de t’éteindre, tu reverras le visage de Mulder et tu repenseras à mes paroles : lorsque Dieu te jugera, ne t’étonnes pas s’il se détourne de toi.
- Je préfèrerais que Dieu se détourne de moi plutôt que de me détourner de Mulder. Il me fait confiance, il a mis en moi tant d’espoir… Il m’avoue enfin son amour et moi je ne trouve rien de mieux que de le fuir ! Mais qui suis-je pour me plaindre de mon cas alors qu’il est trop faible pour ne serait-ce qu’entrelacer ses doigts aux miens !
- Ne t’avises jamais de te retourner contre moi lorsque tu regretteras ta décision : si tu oses tuer un homme, l’homme que tu dis aimer, c’est que tu n’es plus toi même, et si un jour tu regrettes ton acte, tu ne pourras pas m’en vouloir car j’aurai tout fait pour t’en empêcher. Je suis ta mère et je dois te guider dans tes choix mais si tu refuses d’écouter mes conseils, alors je t’en remets à Dieu. Et, si par le plus grand des hasards il te laisse commettre le pire des affronts alors c’est que ton âme est aussi perdue que celle de Mulder.
- Le problème, c’est que tout cela n’est pas à propos de moi mais à propos de Mulder… C’est de lui dont il s’agit, de lui seul… Je ne devrais pas avoir à prendre cette décision et nous ne devrions pas avoir cette conversation.
- Tu vois Dana, tu n’es pas venue chercher un conseil mais tu es venue chercher une oreille compatissante, tu es venue chercher mon accord, tu pensais que je marcherais avec toi mais ce n’est pas parce que tu es ma fille que je dois être en osmose avec chacun de tes actes. En pénétrant ici, tu savais déjà que tu le tuerais, tu voulais que je te conforte dans ta détermination, mais je me refuse à te donner ma bénédiction: jamais je ne ferai de ma fille une meurtrière, jamais je ne cautionnerai la barbarie de l’euthanasie.
- Nous nous entendons alors sur un même point : j’étais venue ici pour que tu me guides, mais tu as réussi à me montrer que le plus beau geste d’amour que je pourrai faire, c’est celui de lui accorder ce dernier souhait. Pas la peine de me raccompagner, je pense retrouver mon chemin toute seule.


Alors qu’elle s’apprêtait à claquer la porte de la demeure familiale, elle se retourna afin de jeter un dernier regard à sa mère:

- Si Dieu se détourne de moi ce soir, c’est que tu avais raison. Mais si le contraire arrive, sache que jamais je ne te pardonnerai ton indifférence.

***


Scully enfouit sa main dans la poche de son manteau, à la recherche de ses clés, montant une à une les marches qui la menaient vers son perron. Tout à coup, des crissements de pneu dans la rue attirèrent son attention, suivis d’un cri qui aurait pu briser le cœur du plus grand voyou de bas étage.

Faisant demi tour sur elle-même, son regard s’arrêta sur un corps gisant au beau milieu de l’asphalte. Accourant pour porter son aide de médecin chevronné, Scully fut doublée par une autre femme qui s’agenouilla auprès de l’homme qui semblait mal en point. Ses mains tremblantes encadraient son visage contorsionné de douleur, essuyant le sang qui s’échappait des commissures de ses lèvres ainsi que de ses narines.

L’inconnue se laissait envahir par la panique, secouant le corps sans vie de celui qui devait être son mari à en croire les alliances qui ornaient leurs annulaires droits. Scully lui indiqua qu’elle était médecin et s’accroupit pour constater que la victime faisait très probablement une grave hémorragie interne. Ouvrant sa chemise d’un geste bref, les boutons rebondirent les uns après les autres autour d’elle, sommant les dernières secondes de vie qui s’échappaient de ses poumons.

Entrelaçant ses doigts et les plaçant sur son plexus, Scully insista plusieurs fois, entrecoupant ses mouvements de bouche à bouche, en vain. Elle pivota et croisa le visage désespéré de cette femme, totalement perdue, ne pouvant y croire, ne voulant croire à la perte de l’être aimé.

Scully se redressa et appela une ambulance, sachant que leur aide serait inutile, ils ne transporteraient qu’une dépouille et une femme qui ne serait plus que l’ombre d’elle-même. Désemparée, celle-ci secouait le corps sans vie de son mari, le suppliant de revenir, invoquant n’importe qu’elle puissance suprême… Son visage était déformé par les larmes, rouge de colère, contre ce conducteur irresponsable, contre Ce plus haut qui l’avait lâchement abandonnée.


« Pourquoi ? Pourquoi toi James ! Ne me laisse pas, ne me quitte pas mon amour… » Répétait-elle sans arrêt, inconsolable.

Scully recula doucement, un pas, puis deux, la nausée lui monta dans la gorge. Certains étaient destinés à partir, d’autres non. Certains décidaient eux-mêmes de leur avenir, ce qui n’était manifestement pas le cas de cet homme…

Elle glissa maladroitement sur la dernière marche qui la menait à son entrée : était ce la chaussée glissante, la pluie grisante de ces dernières heures ou tout simplement un vertige infâme, un mal être puissant qui la poussait à ne plus avoir toute forme d’équilibre. Elle ne reconnaissait plus les murs ni les cages d’escaliers : tout semblait flotter dans une valse frénétique, elle était dans un bal où elle n’avait pas été conviée, elle était au milieu d’une foule dansante, enivrée par l’alcool et la fête, enivrée par la joie et l’amour, oui elle était au milieu de ce monde en vie, elle était sincèrement et douloureusement en vie. Une à une les marches disparurent sous ses pas lourds de peine et de honte. Peine d’avoir eu la mort quelques minutes auparavant entre ses mains : pourquoi le regard de cet homme restait il accroché à elle comme une accusation injuste? Pourquoi se sentait elle traînée sur la place publique telle une vulgaire criminelle ? Était elle faite pour la mort et non la vie? Devait elle à tout jamais ôter les pulsations des cœurs pour sentir avec haine que le sien, de cœur, battait avec force ?

Sa porte se présenta à elle. La poignée tourna. Son regard tomba sur le premier venu. Elle n’était plus elle. Ses mains étaient recouvertes de sang, son cœur était recouvert de cendres. Ses yeux bleus océans reflétaient mille et un sentiments les plus effrayants les uns que les autres. Une envie soudaine de sortir son arme et de l’appliquer contre sa tempe fragile et désespérée s’empara d’elle : fuir le monde afin de ne pas commettre l’irréparable. Fuir les humains avant que ceux-ci ne s’éloignent d’elle. La lâcheté ne connaissait pas Scully, seule le courage et la détermination pouvaient animer une personne comme elle. Son arme resta dans sa poche, sa main s’agrippa au meuble le plus proche et elle attendit. Que les bandits solitaires sortent, que sa colère sorte, que ses larmes coulent et que son corps, épuisé physiquement et mentalement tombe à terre à tout jamais. Des mains furent serrées rapidement, une porte se referma derrière elle et le silence pesant de l’appartement lui sauta à la gorge et ne la lâcha plus.

Les paupières hermétiquement closes, elle tentait par tous les moyens de contrôler sa respiration. Elle pouvait le faire, elle devait le faire… Mais la volonté était une notion qu’elle ne pouvait prendre à la légère, bouleversant chaque dimension de sa vie, chaque aspect, retournant les angles pour en déformer la forme. Elle serait la même mais elle serait différente également, tenant entre ses doigts experts une vie qui ne lui appartenait pas mais qu’on lui confiant néanmoins. Douce illusion d’un pouvoir qui n’est pas désiré, rejeté avec une vigueur qu’elle ne démontrait qu’en de rares occasions.

Scully n’en pouvait plus, étouffant dans cette existence qui lui prouvait par ses assauts qu’elle lui devait tout et rien à la fois. Cet étau encerclant sa nuque, retenant son souffle et sa vie tel un parachute percé et par conséquent inutile. Elle se devait de résister, d’ouvrir ses ailes pour planer longuement et resituer son objectif : accomplir la requête que Mulder avait eu le courage de lui faire, sans flancher, gardant la tête haute, le menton droit et immobile. Un pied devant l’autre, elle atteignit cette chambre qui dissimulait un avenir déjà tristement tracé.

Le courage est une vertu que seuls quelques hommes ont eu au courant de leur vie. Demandez à un pompier de pénétrer dans une tour prête à tomber et il le fera. Demander à un agent de s’infiltrer dans une enquête périlleuse et il le fera. Demander à une femme amoureuse de réaliser le pire, elle le fera. L’amour est conducteur de tant de désirs et de bonheur que parfois la nature humaine a tendance à oublier que le plus beau des leitmotiv pour sublimer l’amour est la mort. Des histoires tragiques d’amants éperdument amoureux avaient bercé la jeunesse de Scully : adolescente, elle s’était nourrie de ces amours qui conduisaient au suicide de l’un des personnages, parfois même la mort des deux. Et aujourd’hui, elle était une de ces héroïnes de Shakespeare. Elle était là, muette et pâle, debout drapée dans une dignité feinte, elle était là, présente, vivante, mais au fond d’elle, mourante. Elle ne put décrire ce qui se passa, mais elle avança, doucement, lentement, vers la tête du lit. Elle refusa de croiser le regard de Mulder, de peur de na pas aller au bout de son geste. Elle ne put parler, il ne fallait pas qu’elle lui dise combien elle aimait, combien il lui avait offert des années de bonheur, combien elle aurait aimé vivre à ses côtés, combien il était dur de faire ce geste sans penser aux conséquences. Murée dans son silence, elle attrapa un flacon qu’elle s’était procurée sur le chemin du retour. Jouant de son statut de médecin et d’agent du FBI, elle l’avait obtenu sans grand problème. C’était des neurotoxiques, poison qui agirait directement sur l’influx nerveux, empêchant ainsi la coordination motrice et bloquant alors certains muscles essentiels, comme le cœur. Il faudrait quelques minutes pour que le produit agisse, puis Mulder partirait lentement, dans une souffrance atroce mais libératrice. Les yeux de Mulder, seuls à encore bouger, suivaient chaque geste et chaque mouvement. Des larmes coulaient en abondance le long du visage de porcelaine : elle avait des difficultés énormes à respirer tant l’angoisse de son acte venait l’emprisonner dans un carcan étouffant et tuant. Par sa faute, la femme qu’il admirait et qu’il chérissait était dans un état proche de la crise de panique ou d’hystérie. D’un coup, d’une voix tremblante, elle parla. Ses mots étaient saccadés, ses larmes lui brouillaient la vue:
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MessageSujet: Re: Only God will judge you   Only God will judge you EmptyMer 8 Nov - 1:00

- Tu ne peux même pas savoir combien…combien cet acte me coûte, jamais je n’aurais osé faire quoique ce soit qui pourrait te nuire…j’ai consacré mes nuits et mes jours à me demander si tu allais bien et si tu étais sain et sauf…à chaque mission je tremblais pour ta vie…pour nos vies car je me demandais que deviendrons nous si nous étions séparés…et là….et là…je viens te tuer…et je ne dois avoir aucun scrupules, c’est ça? Je dois te tuer ….et tuer en même temps tout l’amour que j’ai pour toi….je…je dois tuer mon cœur…tuer les liens que nous avions….tuer des heures de bonheur…tuer toutes ces images….si c’est ainsi que je dois te prouver mon amour, alors je le ferai.

Un sourire éblouissant vint éclairer le visage aux joues creusées de Mulder : cela faisait des semaines qu’il n’avait pas paru aussi reposé et paisible.

Maîtrisant ses sanglots, Scully s’empara de la seringue dans une main et du flacon dans l’autre, introduisant l’aiguille à travers son opercule. Le liquide transparent fut aspiré et par réflexe, elle en dégagea les fines bulles d’air. A quoi bon, de toute façon, son geste sera meurtrier. S’approchant lentement de Mulder, elle scella son regard sur le sien et à tâtons, elle trouva sa perfusion, injectant progressivement ce poison salvateur. Quel doux oxymore, aussi pervers que véridique. A mesure que le produit se propageait dans les veines de Mulder, les larmes de Scully dévalaient ses joues en de lourds flots insurmontables.


- Mon Dieu comprenez mon geste je vous en prie…

Avec soin elle s’allongea à ses côtés, sa tête reposant sur son épaule, une main caressant sa barbe naissante et rugueuse. Elle ferma les yeux et patienta de longues minutes, incapable de poser son regard sur cet homme qu’elle venait de délivrer, inapte à affronter ce geste inqualifiable.

Avec un lenteur infinitésimale, elle décela le fragile pouls qui résonnait à l’intérieur de cet être aimé. Les battements de ce cœur dont la vigueur décroissait peu à peu, à mesure que sa vie filait avec le temps, rappelèrent à Scully toute la difficulté de l’abandon. Lâcher cette corde, céder à cette puissance suprême qui le libérerait de ses dernières souffrances, physiques comme morales. Permettre à cet esprit torturé de rejoindre un endroit meilleur, un songe sans début ni fin où l’existence n’est que repos de l’âme et sursis oublié à jamais.

Oui, il serait mieux dans ce monde idyllique, mais qu’adviendrait-il d’elle ? Pourrait-elle un jour le retrouver, où qu’il soit, et lui affirmer que son geste n’était guidé que par l’amour qui l’étouffait tel une corde sur un échafaud ? Saisirait-il toute la portée de son ignoble requête ?

Son corps refroidissait déjà, elle avait attendu plusieurs heures, pressée contre lui sans avoir le courage de le laisser partir entièrement. Malgré tout, elle posa ses pieds tremblants sur le sol et lui adressa un regard désespéré. Son visage était désormais figé à tout jamais, sa peau froide et rigide, son teint blafard et tétanisant par sa sérénité. Souriait-il ? Etait-ce un dernier rictus accordé par cette Faucheuse qui le guettait avec envie depuis le début de toute cette tragédie ?

Ses yeux vides étaient dirigés vers l’endroit où Scully reposait encore quelques secondes auparavant. La nausée lui monta à la gorge, elle se précipita vers les toilettes et déversa le peu de vie qui restait encore en elle. Mourrait-elle de chagrin ? Se laisserait-elle dépérir au fil des jours sans lutter un seul instant pour préserver ce souffle auquel Mulder n’avait plus eu le droit ? Epuisée, dévastée, elle s’effondra contre la porte de la salle de bain, plus rien ne la sauverait d’elle-même.

Les secondes s’écoulaient dans un silence morbide. L’ombre d’elle même, Scully se déplaçait telle une âme errante dans son appartement. Des images auxquelles elle n’avait pas encore pensé arrivaient en elle : une robe noire, un enterrement, des visages peinés, des curieux autour d’elle et les conséquences de son acte. Elle venait de tuer un homme, l’homme de sa vie. Avait elle encore des raisons pour rester ici bas? Un rayon de soleil vint jouer délicatement sur son visage éteint : une douce chaleur rassurante la percuta et ses yeux observèrent ce nouveau lever du jour. Mulder était mort, mais le jour continuait de se lever. Mulder l’avait quitté, mais la vie continuait. Son cœur s’était éteint en même temps qu’elle introduisait le poison dans le corps de l’être aimé, pourtant tout était encore normal. C’était un matin comme un autre. Sauf que dans la pièce voisine, un corps reposait, dénué de toute âme, de tout souffle, de tout battement de cœur.

Au dehors, des cris d’enfants s’élevèrent dans un crescendo harmonieux : non loin de là, elle les vit traverser pour se diriger vers l’école de Georgetown. Leur sac à dos rempli de cahiers, de livres et de goûters qu’ils échangeraient à la récréation lui rappela cette relation si unique qu’elle entretenait avec Mulder. Beaucoup de fois, elle avait aimé les comparer à deux enfants jouant pour la première fois au grand jeu de l’amour et de la séduction. Deux enfants qui se taquinaient, qui se chamaillaient, qui s’aimaient dans l’innocence parfaite. Ils s’aimaient sans penser à la misère qui les entourait, ils s’aimaient sans chercher à comprendre pourquoi ils en étaient là. Le soleil inondait déjà la chambre d’amis en cette matinée de printemps: des rayons venaient se poser délicatement sur le visage à tout jamais figé de cet homme qui maintes fois avait tout fait pour sauver la vie de Scully. Combien de fois s’était il sacrifié pour elle, combien de fois avait il arrêté de respirer sous la peur qu’elle disparaisse et qu’elle l’abandonne? Aujourd’hui les rôles s’inversaient, de ses mains elle avait mis fin aux journées de Mulder. De ses mains elle avait tout fait pour qu’il arrête de souffrir. Et à cet instant, alors que ses yeux embués s’accrochaient au corps inerte, elle regretta de l’avoir laissé partir, elle regretta de lui avoir donné raison. Pour la dernière fois. Plus jamais elle ne viendrait s’échouer sur sa poitrine si forte, plus jamais elle écouterait le rythme de son cœur, plus jamais elle ne retrouverait cette épaule forte pour écraser ses pleurs. C’était la fin la plus tragique, la plus terrible pour eux deux. Elle s’était promis de ne plus être seule et désormais, elle se retrouvait enfermée dans une solitude étouffante où seule sa conscience viendrait lui tenir compagnie, lui rappelant de temps en temps avec sadisme que cet acte barbare, celui d’assassiner une personne, lui serait toujours présent sur ses épaules tel un fardeau.


***


Les jours avaient passé, toujours aussi longs et interminables, insupportables. Chaque réveil se faisait plus douloureux que le précédent. Elle avait dû répondre à certains doutes, vite dissipés par le fait qu’aucune trace de poison n’avait été décelée dans le sang de Mulder. C’était une question que Scully avait anticipée, se procurant une toxine rare mais efficace, phénotripticol, arme redoutable de part son impossibilité de détection.

La veille avait été une autre épreuve à affronter, son enterrement, voir son corps enfermé dans cet immense cercueil de bois clair, descendre vers les sombres profondeurs de la terre, bercé par de saintes paroles. Le prêtre avait été respectueux et amical, se souciant souvent de savoir si elle tiendrait le coup.

Scully avait hoché la tête, serrant la mâchoire, silhouette frêle mais caractère déterminé. Elle ressortirait debout de ce cimetière, elle ne se laisserait pas aller devant ces gens qui se donnaient bonne consciente en étant présents à l’enterrement d’un homme qu’ils dépréciaient sans vergogne. La main tremblante, elle avait lancé une rose foncée dans ce caveau, effectuant un signe de croix à la va-vite, ne voulant plus croire au secours de Dieu. S’il ne l’avait pas encore abandonnée, cela ne saurait tarder, elle le savait. Et sa mère ne se cachait pas de le lui rappeler à chaque regard qu’elles échangeaient, jamais elle n’aurait pu croire qu’elle en viendrait à haïr son propre sang. Quitter ce lieu chargé d’histoire, chargé d’un passé qui venait gifler Scully en plein visage, elle laissa derrière elle ses proches, Mulder, Melissa, son père… Sa mère et ses frères se détournant d’elle désormais, elle était absolument seule. Seule avec sa conscience, la plus grande ennemie qu’elle n’avait jamais dû combattre, se sachant perdue d’avance…

Refermant avec maladresse la grille du cimetière, Scully se dépêcha de regagner sa voiture: elle sentait des dizaines, des centaines de regards lourds et insistants sur sa nuque, mais elle ne se retourna pas, ne leur donnant pas ce plaisir de la voir faible et complètement anéantie. Le front appuyé contre le volant, elle attendit. Elle attendit que son cœur se calme, que ses larmes se tarissent, que ses membres cessent de trembler. Attendre, encore et toujours. Elle démarra et entama cette série de gestes monotones attachés aux habitudes des humains: allumer ses phares, enclencher ses essuie glaces et rouler, inlassablement, vers un destin qu’elle ne connaissait pas. Ironie du sort, l’enterrement avait lieu le seul jour de pluie et de grisaille de ce mois d’avril. Elle regretta que le soleil refuse d’accompagner le dernier voyage de celui qui l’avait tant aimée. Elle sentait au dessus d’elle, tel Caïn couché dans sa tombe, l’œil de la conscience qui persistait à la suivre. Oui elle regrettait son geste comme elle regrettait encore de vivre et comme elle regrettait de sentir en ses poumons l’air douloureusement bienfaiteur.

Ainsi la vie reprit son cours, bien trop occupée à faire tourner le monde qu’à s’arrêter sur la culpabilité et la souffrance d’une femme. Une femme qui n’en était plus une. Elle portait en elle les traces de la peur et de la honte, les traces de la haine et de la douleur. L’hiver s’était déjà installé sur la belle ville de Washington, recouvrant les rues et les arbres nus d’un manteau blanc étincelant. Des milliers de guirlandes aux couleurs enivrantes donnaient un caractère festif et tous les badauds semblaient transporter par la merveilleuse odeur de cannelle et d’oranges confites. Tous, sauf une. Elle marchait, ses pas lourds laissant des traces profondes dans les allées enneigées. Ses yeux d’un bleu troublant étaient vides de tout sens. Sa vie était vide de tout sens.

Le froid s’empara de chaque rue tout comme il s’empara du cœur de Scully, le rendant fragile comme de la glace. Dans les premiers temps, elle n’osa pas s’y rendre. Voir cette tombe, voir ce nom en lettres dorées orner une pierre tombale aussi revêche que son âme l’était devenu, elle n’en avait pas eu le courage. Et pourtant, elle se trouvait là, au beau milieu d’un cimetière fui de toute âme vivante. A genoux dans la neige, l’humidité trempait ses vêtements sans même qu’elle ne le réalise.

Elle répétait les mêmes mots depuis plus d’une heure, allant du pardon au regret, de la supplication au reproche. Les larmes ne dévalaient plus ses joues, elle était révolue, inébranlable à présent car plus aucun sentiment ne pouvait l’atteindre. La seule personne pouvant maintenir la flamme de ses émotions éveillée n’était plus là, à quoi bon résister ?

Ce ne fut qu’au bout d’un certain moment qu’elle se rendit compte qu’elle avait détruit avec hargne la rose rouge qu’elle avait apporté pour déposer sur sa tombe gelée. Déposant la fleur à ses cotés, elle se releva, prête à partir. Mais son corps refusa de la porter. Sa main droite, comme guidée par on ne sait quelle raison plongea dans la poche de son manteau pour en ressortir un petit flacon au liquide translucide. Le capuchon fut dévissé, jeté à terre et le goulot fut porté à sa bouche. Une chaleur mordante se fit sentir le long de sa gorge: elle put suivre avec délectation le chemin que prenait le poison. Ses jambes fléchirent et refusèrent de soutenir son poids une seconde de plus. Était-ce cela la mort? La perte de tout contrôle? La perte des sens et de la raison? Ses membres se paralysaient à une vitesse affolante alors que son esprit lui, lui imposait une danse frénétique et hystérique : des centaines d’images revenaient l’assaillir. Pourtant, seule le portrait de Mulder semblait la regarder avec insistance : ses yeux noisettes la fixaient et elle ne sut jamais si son regard était celui de la compassion, de la haine ou du soulagement. Avait elle fait le bien sur terre? Avait elle fait le mal? Devrait elle parcourir des centaines et des centaines de kilomètres sur le fleuve de l’Achéron au milieu de milliards d’autres âmes fugitives et coupables? Déjà ses pulsations se faisaient plus rares: elle reposa sa tête sur la tombe et attendit qu’on vienne la chercher, pour déposer son corps, enveloppe charnelle dans un coin où elle pourrait se laisser aller à toutes les divagations des morts, de ceux qui n’avaient plus le droit à la parole. Son cœur cessa de battre, sa poitrine s’affaissa et dans une dernière expiration, elle pria pour le retrouver. Ses lèvres se teintèrent de bleu, de ce bleu aussi glacial que celui de ses yeux.


FIN
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